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Le projet «Due diligence sur les droits humains au sein du Bassin Congo» et la mise en œuvre du mécanisme des plaintes dans les aires protégées du Bassin du Congo

Le projet mis en œuvre par le WWF apporte un appui décisif dans l’instauration d’un climat permettant de prévenir et de résoudre les tensions entre gestionnaires des aires protégées et communautés locales dans trois pays du Bassin du Congo.

En 2019, le WWF a chargé un groupe d'experts indépendants d'examiner la manière dont l’organisation répondait aux rapports faisant état de violations des droits de l'homme commises par certains gardes forestiers gouvernementaux en Afrique centrale et en Asie.

Dans le contexte des mesures mises en place à la suite des recommandations du groupe d’experts, le projet «Due diligence sur les droits humains au sein du Bassin Congo», financé par la Coopération Allemande et mis en œuvre par le WWF en République démocratique du Congo, au Cameroun et en République centrafricaine se consacre à mettre en place dans la pratique les conditions qui peuvent assurer le respect des droits des communautés locales et des peuples autochtones vivant dans et autour des parcs nationaux de Salonga en RDC, de Lobeke au Cameroun et de Dzanga Sangha en RCA.

Le Bassin du Congo, est l'un des points sensibles des biodiversités les plus importantes au monde. C’est la deuxième plus grande forêt tropicale sur Terre et l'une des régions prioritaires de conservation du WWF dans le monde.

Dans cette région et tout particulièrement dans la périphérie immédiate mais aussi à l’intérieur de certaines des aires protégées emblématiques de la région vivent également des communautés locales et des peuples autochtones.

Les peuples autochtones entretiennent une relation particulièrement intime avec les forêts tropicales. La forêt est au centre de leur vision du monde et ils sont les détenteurs de nombreux secrets pour lesquels ils méritent une plus grande implication dans les efforts de conservation.

Le type de conservation qualifié de « forteresse », met malheureusement souvent à l’écart les communautés locales vivant dans et autour des aires protégées, créant les conditions qui favorisent des abus envers ces populations.

La conservation des ressources naturelles et le respect des droits humains sont des efforts qui doivent marcher de pair et cette préoccupation est au centre de l’approche de la conservation inclusive des ressources naturelles : faire collaborer les gestionnaires des aires protégées et les peuples autochtones en accordant l’attention qu’il faut aux droits de ces derniers.

L’un des processus pour assurer que les griefs de ces communautés envers les projets de conservation sont correctement pris en compte est la mise en place de mécanismes de gestion des plaintes et des recours.


Communautés locales à la Salonga

Que sont les mécanismes de gestion de plainte et de recours

Le Mécanisme de gestion des plaintes (MGP) est un processus qui consiste à réceptionner, enregistrer, traiter et répondre aux plaintes des parties prenantes liées aux activités menées pour la gestion des aires protégées (APs) en vue de favoriser une cohabitation pacifique et harmonieuse, une gouvernance participative entre les gestionnaires et les peuples autochtones et communautés locales riverains des APs ainsi que de promouvoir le respect des droits humains.

Le mécanisme standard utilisé en RDC élaboré en 2021 est le produit de travaux et de consultations entre l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) et ses parties prenantes dont le WWF.
On peut citer quelques avantages du mécanisme de gestion des plaintes :
  • Il offre aux communautés une opportunité d’exprimer leurs préoccupations en rapport avec la gestion des aires protégées et de faire entendre leurs voix sur les cas de violations des droits humains qui pourraient intervenir;
  • Il met en place un cadre de dialogue permanent entre les gestionnaires des aires protégées et les communautés riveraines afin de prévenir et d’anticiper la survenue de conflits et il permet dans le même temps d’orienter les communautés vers les mécanismes judiciaires, administratifs ou traditionnels lorsque les cas ne concernent pas la gestion des aires protégées.
  • Il facilite une forme de justice sociale qui rassure les peuples autochtones et communautés locales du fait que leurs préoccupations sont prises en compte dans le processus de la conservation voulue participative et inclusive au sein des aires protégées.

Effectivité du mécanisme de gestion des plaintes

Les partenaires de mise en œuvre du projet, Juristes pour l’environnement et la conservation de la nature (JUREC) en RDC, Maison de l’Enfant et de la femme pygmée (MEFP) en RCA et le Centre pour l’éducation, la formation et l’appui aux initiatives de développement (CEFAID) au Cameroun, jouent un rôle essentiel dans l’effectivité de la mise en œuvre du projet sur le terrain.

Les agents commissionnés par ces organisations mènent des investigations pour vérifier les faits allégués, établir les responsabilités et proposer des pistes de solutions. Suivant la nature et la gravité des faits, ils peuvent être amenés à préparer les dossiers à référer auprès des cours et tribunaux en tenant compte des compétences matérielles et territoriales de ces juridictions.

Les rapports soumis doivent donc d’être d’excellentes qualités, mettant suffisamment des éléments d’évidence qui auront pu être recueillis au cours des investigations qui faciliteront l’analyse de faits allégués.

Dans le cas de la Salonga en RDC, la mise en place d’un tel mécanisme de gestion des plaintes a joué un grand rôle dans l’apaisement des relations entre les communautés et les gestionnaires de ce parc. Il se révèle une amélioration nette de la conduite des écogardes. Il démontre une maîtrise accrue des notions essentielles de droits humains dans la conservation au sein du Parc national de la Salonga et un suivi systématique de tous les cas portés au Mécanisme des plaintes.

Il convient de relever également que les communautés à travers ce Mécanisme ont démontré une soif réelle de Justice sociale dans un contexte où il n’existe presque pas de cours et tribunaux du système de justice classique pour prendre en charge leurs doléances.

A ce jour le Mécanisme a enregistré près de 250 plaintes dont près de la moitié constitue des conflits sociaux et des conflits homme – faune, et l’expertise du staff de JUREC ayant été valablement mise à contribution et appréciée par les communautés bénéficiaires.

En République centrafricaine, il a été mis en place à ce jour un processus intégré qui incorpore en même temps l’accompagnement judiciaire des victimes et un suivi systématique des cas relatifs aux violences sexuelles et celles basées sur genre dans une base de données sécurisée et instantanément partagée au niveau de la Région Afrique centrale du WWF.

Les récentes consultations nationales ont généré une feuille de route claire pour la mise en place d’une plateforme nationale et multi-acteurs pour la promotion et la protection des droits des peuples autochtones.

Pour ce qui est du Cameroun, au-delà d’une base de données stabilisée et d’un nombre accru de plaintes résolues au niveau communautaire, il faut relever une amélioration nette de la collaboration avec le secteur de la justice et près de 285 demandes d’actes de naissance, facteur favorisant l’accès aux droits sociaux et économiques de base des populations autochtones Baka. Le leadership des femmes et leur participation dans ce Mécanisme a été facilité par la formalisation de leur association qui constitue aujourd’hui un point d’ancrage dans la prise en charge de leur cause. 

Groupe de femmes encadrées par le CEFAID au Cameroun

Besoin de renforcer les capacités

Fin janvier-début février 2024, le projet « Due Diligence sur les droits humains au sein du Bassin du Congo » a organisé un atelier de formation sur les techniques d’enquêtes et investigations en matière de violation des droits humains dans les aires protégées  au bénéfice de ses partenaires de mise en œuvre ainsi que les experts de l’ICCN, de l’ONG Actions pour la Promotion et Protection des Peuples et Espèces Menacés (APEM) ainsi que des responsables chargés du cadre de sauvegardes environnementales et sociales (ESSF) des autres aires protégées dans lesquelles le WWF intervient afin de les équiper de manière adéquate et améliorer leurs capacités à assurer une gestion efficiente du mécanisme des plaintes.

Cette formation a constitué une réponse réelle à un besoin imminent d’amélioration suite à un constat sur la qualité des rapports d’enquêtes et d’investigations qui se sont passées sur le terrain dans les trois sites pilotes à Salonga, Lobéké et Dzanga Sangha. Ces rapports se sont limités en majorité à de simples narrations des faits alors qu’il y a des éléments de preuves qui devraient y figurer et contribuer à mieux élucider les cas afin d’y donner la suite appropriée.

La formation a été dispensée par le Comité des droits humains (CODHOD) une organisation congolaise réputée dans la défense et la promotion des droits humains. Pendant les quatre jours de formation les techniques d’investigation sur les cas de violation ont été couvertes en détail après un rappel sur un nombre de concepts de base.

Perspectives d’avenir

Dans le cas de la Salonga, sur les six stations du parc, quatre ont en leur sein des répondants auxquels on peut s’adresser et qui peuvent faire un suivi des cas. Néanmoins en raison de l’immensité de la zone, seuls 40% du parc sont couverts par les moniteurs communautaires de JUREC, partenaire de mise en œuvre du projet soit 180 villages sur 500 où le mécanisme a pu être présenté et opérationnel à ce jour. Les villages où le mécanisme n’a pas encore été mis en place expriment un fort désir de le voir s’installer chez eux.

L’augmentation du nombre de staffs qualifiés et des moniteurs communautaire est un problème qui devra être réglé vu la grandeur de l’étendue de la zone à couvrir.

Moniteur communautaire JUREC s'entretenant avec des communautés de la Salonga

Le mécanisme devrait également être installé près des sites où l’unité de gestion du parc national du parc de la Salonga (UGPNS) compte lancer dans un proche avenir des projets d’écotourisme et prévenir ainsi les problèmes de droits humains que ce type d’activité pourrait créer par inadvertance.

Un autre besoin est celui de l’accompagnement judiciaire des victimes en raison des frustrations que fait naître l’application des mécanismes judiciaires classiques.

Si le WWF a effectué en collaboration avec d’autres organisations représentatives des peuples autochtones un plaidoyer qui a permis la promulgation d’une loi portant protection des droits des peuples autochtones en RDC promulguée le 15 juillet 2022, des efforts importants demeurent à faire pour la promotion de cette loi et la voir effectivement prise en compte dans l’administration de la justice.

Le projet va à cet effet déployer des efforts conséquents pour distribuer à grande échelle des copies physiques du texte de la loi et organiser des séances de travail avec les magistrats des quatre provinces couvertes par le Parc de la Salonga. Un effort sera également fourni pour accompagner la conception des mesures d’application de la loi.

Sur un tout autre plan, le projet pourrait aussi s’impliquer dans des efforts de plaidoyer concernant les conflits homme-faune afin de trouver des solutions concrètes et équitables aux cas de destruction des cultures par les animaux dans les alentours des aires protégées.


Participants à une séance de travail sur les droits des communautés locales en République centrafricaine

 

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