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Mise en œuvre de l’approche « marché et chaîne de valeur » du charbon de bois durable au WWF. Interview de Léon Habineza

Qu’est-ce que l’approche chaîne de valeur du charbon de bois durable va réellement apporter ? Quelles autres chaînes de valeur le WWF compte-t-il mettre en place hormis le charbon de bois ? C’est parmi les questions que nous avons posées à Léon Habineza, expert en chaîne de valeur de la filière charbon de bois au WWF-RDC qui nous livre quelques explications sur le concept de chaîne de valeur tel qu’il est mis en œuvre dans le cadre du programme Energie du WWF-RDC à Goma.

Parmi ses activités, le programme Energie du WWF-RDC travaille autour de la ville de Goma au Nord Kivu, à la production du charbon de bois durable produit grâce à des arbres plantés d’une part, ainsi qu’à la réduction de la consommation du charbon grâce à l’utilisation des foyers culinaires améliorés et des digesteurs de biogaz d’autre part.

Bien que l’impact positif des actions entreprises au cours de dix dernières années soit évident, la demande en charbon de bois autour du Parc National de Virunga reste cependant forte.

Le WWF-RDC mise ainsi sur le développement des systèmes de marchés et des chaînes de valeurs du charbon de bois qui, avec la professionnalisation du secteur, aura comme effet la stabilisation progressive de l’approvisionnement sûr en bois-énergie des plantations, contribuant ainsi à réduire la déforestation.

Le développement des chaînes de valeur dans le domaine du charbon de bois devrait permettre aux producteurs qui s'approvisionnent en bois dans les plantations, d’améliorer en même temps leur accès aux marchés et leurs performances économiques.

En travaillant avec les propriétaires des plantations pour commercialiser leur produit, le WWF s’attend à une adhésion des consommateurs à l’usage du charbon de bois produit de manière durable, et à une réduction sensible de la demande de charbon de bois issu de l'exploitation illégale et de la déforestation des forêts naturelles.

Qu’est-ce que l’approche chaîne de valeur du charbon de bois durable va réellement apporter ? Quelles autres chaînes de valeur le WWF compte-t-il mettre en place hormis le charbon de bois ? C’est parmi les questions que nous avons posées à Léon Habineza, expert en chaîne de valeur de la filière charbon de bois au WWF-RDC qui nous livre quelques explications sur le concept de chaîne de valeur tel qu’il est mis en œuvre dans le cadre du programme Energie du WWF-RDC à Goma.
 
La chaîne de valeur : qu’en est-il exactement ?

La notion de « chaîne de valeurs » a été introduite dans les années 80 par Michael Porter, chercheur et professeur américain de stratégie d'entreprise à l'université Harvard né en 1947. Il définit l’entreprise comme un enchaînement d’activités transformant des « inputs » en « outputs » achetés, au final, par des consommateurs. Ces activités sont, par ailleurs, interconnectées.

D’où la chaîne de valeur est comme un partenariat stratégique entre les entreprises interdépendantes qui entretiennent de liens de collaboration pour apporter progressivement une valeur ajoutée aux consommateurs finaux. La combinaison des différents processus et leurs interactions génèrent, aux yeux des clients, une certaine valeur. La valeur ne se limite donc pas à l’entreprise en tant que tel puisqu’elle comprend également les relations qu’elle entretient avec ses partenaires.
 
Qu’est-ce que l’approche chaîne de valeur apporte de fondamentalement différent par rapport à ce qui a toujours été fait ?

Normalement elle est dite approche « marché et chaîne de valeurs ». Cette approche est différente de l’approche dite humanitaire basée sur la gratuité et  donc sur des dons. Dans l’approche marché et chaîne de valeurs, on comprend qu’il s’agit de business, d’investissements et de partenariat d’affaires et qu’il n’y a donc pas lieu de faire des dons.

Elle vise à renforcer le fonctionnement des systèmes de marchés qui sont des mécanismes impliquant des acteurs et des fonctions multiples, dont une fonction principale (noyau) d’échange de biens et services, ainsi que différentes règles et fonctions d’appui, assurées et façonnées par une multitude d’acteurs de marché.
Elle implique également une spécialisation de chaque acteur dans son maillon.

A chaque niveau d’acteur, il faut apporter une valeur ajoutée au produit pour réponde correctement aux exigences et bien se positionner sur le marché. Les producteurs (planteurs), exploitants, commerçants, transporteurs, dépositaires etc…, sont des petites entreprises qui doivent chacune être spécialisées dans leur maillon particulier dans le but de bénéficier des opportunités offertes par les marchés. Pour aller sur une grande échelle, satisfaire le marché et garantir la pérennité de la conservation, il faut nécessairement développer un système de marché et de partenariat public-privé comme stratégie de financement de la chaîne de valeur.

Dans les approches qui sont mises en œuvre à ce jour, les acteurs ne jouent pas pleinement leur rôle et ne comprennent pas leurs responsabilités dans la chaîne. Etant peu ou mal organisés, ils laissent les facilitateurs et  d’autres acteurs indirects, jouer un rôle central alors que cela ne devrait pas être le cas.
Du fait que dans l’approche marché et chaîne de valeur, il n’est pas question de faire des dons, les acteurs sont plus enclins à investir et co-investir dans l’activité lorsqu’ils savent qu’ils vont en retirer un profit. Ceci a, entre autres comme conséquence, une plus grande durabilité des activités.

Lorsque vous demandez par exemple à une personne pourquoi elle met en place une plantation et qu’elle réponde que c’est parce qu’elle a été appuyée avec de l’argent ou qu’elle a reçu une subvention, il n’y a en fait aucune garantie que l’activité se poursuive après la fin de la subvention. La situation est différente de celui qui a investi ou co-investi de son argent dans la mise en place de la plantation avec une vision marché (Business). Cette personne espère un bénéfice financier et sera donc plus engagée pour la réussite et la poursuite de son activité, du fait qu’elle en retire un gain.

Quelles autres chaînes de valeur le WWF compte-t-il mettre en place hormis le charbon de bois ?

Il est en effet judicieux de développer des chaînes de valeurs plus prometteuses et inclusives dans d’autres secteurs tels que les produits forestiers non ligneux (PFNL). L’approche marché et chaîne de valeur permet une multiplication des activités génératrices de revenu et cela peut booster les économies locales en particulier et influencer d’une manière générale celles de la sous-région.

Y a-t-il des critiques qui pourraient être formulées ? On pourrait par exemple nous reprocher d’aborder des considérations qui s’éloignent de la conservation en tant que tel ?

Ce n’est pas la conservation qui dicte l’économie, mais ce sont plutôt les forces économiques qui exercent une influence sur la conservation. Même si on travaille à trouver des alternatives, la demande des produits forestiers reste toujours forte. Il faut donc faire en sorte que les deux secteurs, les affaires et la conservation, puissent marcher ensemble. Bien entendu, les affaires doivent être conduites de manière durable en respectant la conservation.
 
 

 

 

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