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Lutter contre la baisse des stocks de poisson dans la Baie de la petite Ruzizi

Dans le lac Tanganyika, près d'Uvira, la baisse des prises de poissons se fait de plus en plus ressentir au fil des années. Le WWF et The Nature Conservancy (TNC) y ont lancé un projet de gestion communautaire de la pêche en collaboration avec toutes les parties prenantes concernées. Les premiers échos en provenance des communautés sont positifs.

La ville d’Uvira qui est le chef-lieu du territoire administratif du même nom, est située à la pointe nord du Lac Tanganyika dans la Province du Sud Kivu à l’Est de la RDC. Lorsqu’on vient de Bukavu, chef-lieu de la Province, on peut atteindre Uvira directement par la route en traversant le territoire de Kalehe et le territoire d’Uvira, soit encore en rejoignant Bujumbura, capitale du Burundi, après un passage par le Rwanda.

C’est cette dernière option que nous avons choisi d’emprunter pour cette mission de cinq jours effectuée à Uvira à la fin septembre 2023.

La ville est située sur une étroite bande de terre entre les montagnes de Mitumba à l’Ouest et le lac Tanganyika à l’Est, lac qui borde quatre pays: la RDC, la Tanzanie, le Burundi et la Zambie.
Dans les villages de Kilomoni, Kindava, et Tshanvubu qui constituent en quelque sorte la continuité d’Uvira et se voient d’ailleurs lentement absorber par l’entité urbaine, vivent des pêcheurs qui exercent leur activité sur le lac. La pêche est également pratiquée dans les marais de Nyangara tout proches.

Lorsqu’on assiste tôt le matin sur les berges du lac, à l’achat du poisson par les  femmes qui le revendront au détail, une espèce attire l’attention par son omniprésence. Elle est appelée en swahili Dagaa ou Ndagala (Stolothrissa tanganicae) et évoque la sardine par sa forme et sa taille.

Ce poisson est endémique du Lac Tanganyika (c’est-à-dire qu’on ne l’y trouve pas ailleurs). Une autre espèce de poisson très prisée des consommateurs est le Mukeke (Luciolates stappersi).

Quand on pose aux pêcheurs ou aux vendeuses la question de savoir si les prises de poissons ont varié au cours des récentes années, la réponse est quasi unanime : la pêche était plus abondante il y a une vingtaine ou une trentaine d’années et les quantités disponibles actuellement sont en baisse régulière.

A quoi attribuer la baisse des quantités de poisson pêché ?

La surpêche, des méthodes de pêche illégale ou nuisibles, le ruissellement agricole et l’accumulation de sédiments ont, au fil des années, entraîné la baisse des quantités de poissons pêchés qui fournissent aux communautés vivant sur les rivages du lac, nourriture, travail et revenu financier.

Mazu Jean Kitumaini est président des pêcheurs de Kahororo, village situé dans les marécages de Nyangara : « depuis toujours nous avons toujours pratiqué la pêche. Elle pouvait être pratiquée de jour comme de nuit avec des prises importantes. Maintenant les choses ont beaucoup changé ».

Pour Ishiabwe Habale, responsable d’un groupe de pêcheurs de Kilomoni, plusieurs facteurs expliquent la situation : il pointe du doigt l’augmentation de la population, et du nombre de pêcheurs et l’utilisation croissante de méthodes qu’il qualifie lui-même de mauvaises tels que des filets aux mailles trop petites, voire des moustiquaires.

Lancement d’un projet entre WWF et TNC dans la baie de la petite Ruzizi

En novembre 2022, WWF et TNC (The Nature Conservancy) lançaient un projet visant la mise sur pied de structures communautaires de pêche dans la baie de la petite Ruzizi.
 
La Ruzizi (ou Rusizi), est la rivière par laquelle le lac Kivu se déverse dans le lac Tanganyika. À huit kilomètres de son embouchure, elle se divise en deux branches : la Petite Ruzizi à l'Ouest et la Grande Ruzizi à l'Est. La baie de la Petite Ruzizi a été identifiée par le projet comme une priorité dans l'identification préliminaire des sites pour la cogestion communautaire de la pêche.
 
La cogestion (ou gestion communautaire) est un système dans lequel la responsabilité et l'autorité pour la gestion des ressources communes sont partagées entre l'Etat, les utilisateurs locaux et d'autres parties prenantes. C'est une approche qui peut fournir une réponse au problème de la réduction des stocks de poisson et permettre de préserver les habitats aquatiques.

Le projet WWF-TNC a eu pour objectifs principaux de rendre compte des conditions favorables à la création de structures de cogestion de pêche dans 4 villages pilotes situés dans la zone de la baie de Petite Ruzizi, de réaliser une enquête de base sociale et écologique et d'évaluer les progrès au fil du temps.
 

Protéger les zones de frayères

Les zones de frayères sont les zones où se reproduisent les espèces piscicoles, mais également les mollusques et crustacés.

Kabambara Mapwato, chef du village de Kindava et pêcheur lui-même évoque la nécessité de protéger les zones de frayères : «c’est dans ces endroits que les poissons naissent et grandissent avant d’aller vers les endroits plus éloignés du lac. Nous devons protéger ces zones de frayères ». Il estime aussi que l’Etat devrait s’impliquer pour aider à la protection des zones de frayères et effectuer des sensibilisations à cet effet.

Outre les poissons, les zones de frayères sont également fréquentées par les hippopotames et les crocodiles. La cohabitation entre ces animaux et les hommes est parfois délicate et des accidents surviennent parfois surtout avec les hippopotames. L’hippopotame est réputé en Afrique comme étant un des mammifères les plus meurtriers pour l’homme, loin devant le lion ou le rhinocéros.

Les pêcheurs de Kindava pensent que l’on pourrait marquer les zones fréquentées par les hippopotames et réduire le risque de rencontres fatales pour les humains.

A la suite des consultations avec les divers acteurs, le projet a abouti à l’identification de deux zones de frayères dans la baie de la petite Ruzizi, la première d’une superficie de 191 hectares et la deuxième de 39 hectares, qui feront l’objet d’un suivi.

Propositions pour améliorer la gestion des pêcheries

Les consultations ont renvoyé un écho positif sur la volonté des différents acteurs et parties prenantes d’améliorer la gestion de la pêche dans la zone de la baie de Petite Ruzizi, assurer la pérennité de la ressource et préserver la biodiversité présente.

Toutes les personnes interrogées durant notre séjour à Uvira ne manquent pas de féliciter l’intérêt marqué par le projet sur cette question de la gestion de la pêche.

Au vue de la baisse du poisson Dagaa qu’il observe depuis un certain temps, Patrick Etabo, pêcheur de Kilomoni est d’avis que la pêche de jour devrait prohibée. Ishiabwe Habale lance un appel pour que les projets de développements puissent proposer aux pêcheurs des activités alternatives pour réduire leur dépendance envers la pêche.

On peut être optimiste sur le fait que les recommandations pour les prochaines étapes du projet, formulées de manière participative, seront également mises en œuvre de manière collaborative et contribueront à assurer de nouveau l’abondance du Dagaa et des autres poissons du lac Tanganyika.  
https://www.youtube.com/watch?v=r46Ro54dqQs 
© WW-RDC/Christian Mpassi
Embarcations de pêche sur le Lac Tanganyika

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